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Ces logiciels libres qui changent ma vie !

La semaine dernière, c’était la semaine du libre ! Organisé par l’équipe Lyonnaise des Designers Éthiques1. J’ai pu assister à une table ronde qui parlait des usages et contributions de communs numériques, ou autrement dit logiciels libres, et cela m’a énormément inspiré.

Je vous propose de découvrir dans cet article l’histoire de comment les logiciels libres ont changé ma vie, et pourquoi je pense que vous devriez vous y mettre aussi !

Mais d’abord, qu’est-ce que le libre ? Qu’est-ce qu’un commun numérique ?


La liberté peut-elle se mettre en logiciel ?

Un commun numérique est un logiciel libre. Regardons la définition2 pour mieux comprendre :

Un logiciel est considéré désormais comme libre […], s’il confère à son utilisateur quatre libertés (numérotées de 0 à 3) :

  1. la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages ;
  2. la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ;
  3. la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
  4. la liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.

Reformulons : j’ai le droit d’utiliser mon logiciel pour faire tout, je peux voir son code source, je peux le modifier, je peux le redistribuer, je peux l’améliorer. Mais pourquoi faire ? Car cette définition implique beaucoup de choses très intéressantes pour un utilisateur :

  • Le plus évident : un logiciel libre est souvent gratuit.
  • Il est souvent mieux sécurisé : savoir comment il fonctionne implique qu’on sait s’il est sécurisé pour de vrai ou non.
  • Il est souvent très performant : comme n’importe qui peut l’améliorer, il bénéficie directement des plus grandes optimisations de personnes très talentueuses. Et s’il était pourri, vous n’en auriez pas entendu parler et vous seriez passé à un autre logiciel !

Tout cela paraît encore très basique ou évident. C’est pourquoi, je vous propose une histoire : je vais vous raconter comment durant toute ma vie, les logiciels libres ont pris de plus en plus de place. C’est parti !

Mes débuts dans le libre

Tout commence vers 2008, j’avais environ 13 ans, je venais de passer de “l’ordinateur familial” à mon propre ordinateur ! Je ne me souviens plus pourquoi j’avais obtenu mon propre ordinateur, probablement pour jouer à des jeux vidéos, mais je me souviens que je l’avais choisi sur LDLC, déjà pré-assemblé.

Sur cet ordinateur, je faisais ce que je voulais : jouer à Trackmania, jouer à des jeux piratés chelous, installer RPG Maker pour tenter de faire des jeux vidéos, écrire sur jeuxvideopointcom, et je suis tombé sur Linux…

Je ne me souviens plus exactement comment : était-ce par un magasine qui parlait de Linux ? Était-ce en donnant mon adresse postale à Canonical pour recevoir un CD gratuit3 ? Toujours est-il que j’étais curieux du concept : Linux, un système d’exploitation pour vous rendre libre. J’avais 13 ans, ne comprenait pas vraiment ce qu’était un système d’exploitation, mais dans ma grande curiosité j’ai décidé d’installer une Linux sur ma machine, d’installer Ubuntu.

L’installation s’est passée correctement, et j’ai pu tester pour la première fois Linux ! On suit des instructions affichées, on rentre du texte, l’ordinateur redémarre… Quel monde, ça faisait beaucoup de choses à comprendre petit : un BIOS, un live-CD, un bootloader, le concept de disque dur, un système d’exploitation. J’étais déjà un geek 🤓…

Une fois que tout installé, on redémarre l’ordinateur une dernière fois, et là : C’est Linux qui s’ouvre. Pas de menu windows, un autre menu.

C’était le début de nouveaux concepts : LibreOffice, le terminal, le copier coller par molette de souris, Mozilla Firefox par défaut… Pas totalement convaincu mais pas totalement déçu je désinstalle pour faire de la place sur le disque. Et en désinstallant Ubuntu j’ai supprimé le boot-loader et un peu cassé mon PC. Oups ! 😬

Mais le concept était rentré dans ma tête : on pouvait faire fonctionner un ordinateur sans dépendre de Microsoft, gratuitement. Je venais de comprendre matériellement le concept de système d’exploitation, et qu’il n’était pas rattaché qu’à Microsoft. Bon à savoir… J’en parlais à mes parents qu’on pouvait migrer sous Linux et se passer de payer la licence Windows…

Les études étaient libres à l’époque

Accélérons de 3 ans. J’entrais en prépa scientifique, et à notre premier cours d’informatique, notre prof nous avait préalablement demandé de rapporter une clef USB. Au premier cours, il a tout simplement fait installer via une simple commande informatique une distribution Linux s’appelant Debian, déjà préparée pour coder et suivre les cours.

Le concept était incroyable, presque révolutionnaire pour moi : branchez votre clef USB sur n’importe quel ordinateur, allumez l’ordinateur, et tada, vous aurez démarré sur votre clef USB, avec tous ses fichiers et ses programmes. C’était vraiment très pratique.

Sur cette clef USB, on avait accès à : une jolie interface, on codait sur le logiciel Emacs pour écrire du OCaml, et on pouvait naviguer sur internet.

Sur cette clef USB, sous ce Linux, j’ai appris à coder, j’ai dû écrire des documents sous libreOffice, j’ai fait mes premiers pas dans la bureautique et j’ai toujours trouvé la suite libre plus pratique que la suite Microsoft. Ça marchait juste mieux !

Cela me rend triste aujourd’hui de savoir que les étudiants utilisent du Microsoft massivement par défaut. Je peux le dire : de mon temps, on faisait tout sur un live USB sous Debian…

J’ai continué mes études dans un environnement semi libre. Peut-être certains lecteurs et lectrices se souviendront de mon étrange obsession pour installer Fedora (ndn: une autre distribution Linux) sur un ordinateur portable Surface Book…

La bureautique et la problématique de la vie privée

Alors c’est quoi vraiment un système d’exploitation ? C’est un peu “l’interface” de votre ordinateur. Quand vous avez un ordinateur, il vous faut deux parties : la machine qui contient les pièces physiques, et le logiciel pour faire fonctionner ces pièces physiques. Ce logiciel est le système d’exploitation. Windows, MacOS, Linux, ce sont les trois les plus connus aujourd’hui, mais les moins jeunes se souviennent peut-être de Solaris, de OS/2, ou MSDOS qui étaient d’autre systèmes d’exploitations d’un ancien temps.

La particularité de Linux, c’est qu’il ne dépend techniquement pas de quelqu’un : c’est un commun numérique. Linux appartient autant au monde entier que l’invention de l’agriculture ou la technique de maitrise du feu.

Linux permet de faire fonctionner n’importe quel ordinateur. C’est quand même un peu fou quand on y pense non ? Chaque machine peut avoir des pièces différentes, mais on peut le faire fonctionner sans dépendre de ces pièces différentes. Et vous pouvez travailler sur cette machine, elle est sera performante, et ça ne vous coûte rien.


J’ai commencé à travailler en 2018 sur une machine qui fonctionnait avec Windows, et je codais sous Eclipse. Je crois qu’on a le droit de me traiter de dinosaure. L’expérience de développement était raisonnable mais deux choses m’embêtaient :

  • C’était un peu moche, soyons honnêtes
  • L’ordinateur était lent. Mon job était dans l’univers de la transpilation4 de code informatique, et cela impliquait souvent de récupérer d’énormes fichiers géants représentant du code source. Et sur un Windows, gérer des gros fichiers était une expérience misérable (souvenez vous du support FAT32, de la limite de 8Go, ces choses obscures)5.

Sous Linux ? C’était bien plus rapide. Et un benchmark au doigt mouillé était sans appel :

  • Copier un gros fichier sous Windows prenait 20 minutes (le temps de ma pause café)
  • Sur Linux ? Autour de 10 secondes… Pas le temps d’aller chercher un café…

J’ai demandé à mon employeur si je pouvais changer et il m’a dit “tu fais comme tu veux”. Ni une, ni deux, Windaube dégageait et je passais sous la distribution Linux s’appelant Fedora. Aucun regret.

J’ai toujours préféré un environnement Linux pour la bureautique. Contrairement à Windows, il n’y a pas de fonctionnalités intrusives imposées sur les utilisateurs, comme Cortana à l’époque, ou les actus MSN par défaut en page d’accueil, ou aujourd’hui Copilot qui capture littéralement l’écran des utilisateurs sans leur consentement6.

Certains aspects très techniques d’un ordinateur sont optimisés jusqu’à la moelle par des passionnées et des passionnés qui donnent une énergie et un savoir considérable pour contribuer à un outil utilisable de toutes et de tous. Et de plus en plus, ce sont des personnes qui sont payées à plein temps pour travailler sur ces logiciels.

Je vous avoue, j’ai goûté au péché de la pomme il y a 3 ans, en passant de Fedora à MacOS. Je trouve que MacOS est bien meilleur en bureautique que la majorité de l’écosystème Linux. Mais cela me rend très fortement dépendant de l’écosystème d’Apple.

Si Apple s’effondre et perd MacOS, ou Microsoft décide d’arrêter de mettre à jour Windows et ne faire plus que de l’IA7, votre Windows ou Macbook préféré ne sera plus maintenu et mis à jour, et peut-être même ne fonctionnera plus8. Pour Linux ? Il sera toujours possible de le faire évoluer.

Et vous pouvez le faire évoluer en n’importe quoi ! Par exemple, en une plateforme pour jouer à des jeux vidéos.

Le SteamDeck : une belle histoire de liberté

En 2023, j’étais à la recherche d’une console de jeu portable. Je pouvais acheter les classiques : une switch, un ordinateur portable, mais j’étais tombé sur le SteamDeck. C’est une console de jeu faite par un grand éditeur de jeux vidéos et d’un magasin en ligne de jeux. En voici une photo :

Je joue sur la console steamdeck, mon chat est installé sur mes jambes et regarde l'écran

Cette SteamDeck se comporte comme une console, mais se comporte aussi comme un ordinateur. En effet, le système d’exploitation est “juste” Linux… Sous distribution Arch… Incroyable non ? L’interface est belle, réactive, et je peux juste installer tout ce que je veux qui peut fonctionner sous Linux. Et pour les jeux Windows ? Il se trouve que la communauté Linux a trouvé un moyen d’en faire marcher une grande majorité sous Linux, et grandement grâce à l’investissement direct du fabriquant du SteamDeck, Valve9.

Valve est un éditeur de jeux vidéos pionnier dans le domaine, qui propose aussi une boutique en ligne de jeux vidéos. Et cet éditeur a une stratégie très intéressante : contribuer à des logiciels libres augmente directement leur marché dans le jeu vidéo. Si les jeux marchent mieux c’est gagnant, et si les concurrents créent aussi leurs consoles de jeu, c’est gagnant pour Valve qui touche toujours une commission à a vente… Pas mal ? Qui a dit qu’on ne pouvait pas avoir un modèle économique sur du libre ?

Et comme il s’agit d’un logiciel directement vendu, il a besoin d’être fluide et performant pour être un peu marketable, et je trouve que le SteamDeck a une super intégration avec Linux.

J’utilise aujourd’hui d’autres logiciels que je trouve beaux et bien faits. Par exemple :

  • Zen Browser, une surcouche de Mozilla Firefox qui ressemble à Arc Browser, mais au moins c’est maintenu par une belle communauté et ça n’appartient pas à Atlassian.
  • Pour écrire de la musique, j’utilise Musescore. Ce logiciel est optimisé pour la productivité, tout en permettant d’écrire de belles partitions de musiques pour de la lecture, de l’apprentissage ou de la composition.
  • Signal ! Le logiciel de discussion instantanée. Il est très bien, il est très rapide, et il marche juste. C’est bien mieux que WhatsApp qui régulièrement me bloquait car le menu pour entrer son code PIN plantait sur mon iPhone !!!

Et Signal a un autre avantage : c’est un logiciel qui respecte ma vie privée. Regardons cela.

La liberté à tout prix ?

J’utilise Signal à l’origine pour deux raisons : j’ai progressivement commencé à devenir de plus en plus méfiant envers l’utilisation de mes données personnelles par les GAFAM. Je me suis convaincu que ces données pourraient servir un jour pour me persécuter pour des raisons inconnues : mes opinions politiques, mon orientation sexuelle, mes origines.

Vous trouvez cela extrême ? Sans citer ce qu’il se passe actuellement aux États-Unis, je peux vous prendre un exemple à domicile : connaissez-vous la cellule Déméter ? L’unité de gendarmerie chargée de surveiller les actions de nature idéologique liées au modèle agricole ? En tant que personne végane et militante, je suis directement dans le viseur de cette cellule.

Signal est la même chose que WhatsApp ou iMessage, mais gratuit, libre, et très sécurisé : comme son code source est disponible, n’importe qui peut le surveiller. Et des gens très intelligents peuvent l’améliorer. Tous les plus brillants et brillantes chercheurs-eures du monde entier peuvent améliorer Signal, contrairement à Facebook qui est limité par ses ingénieurs.

Comment je sais si iMessage ou Facebook ne lit pas mes messages ? Aujourd’hui, la seule façon de le savoir c’est de leur faire confiance. Ils pourraient donc envoyer des données à cette cellule Déméter dans un but d’harcèlement de ma personne.

On est dans le seul monde où on donne nos informations privées à des entreprises, mais c’est à nous de prouver que l’entreprise ne fait pas n’importe quoi de nos données. Est-ce juste ? Je ne le trouve pas. Je préfère donc garder ma vie privée ailleurs.

J’ai plusieurs logiciels qui m’aident à garantir ma vie privée :

  • Mon navigateur, Zen Browser que j’ai déjà cité avant, a de base un système de conteneurs qui me permet de ne pas mélanger mes sessions. Je ne suis pas convaincu que Chrome le fasse pour de vrai vu qu’il s’agit d’un navigateur au fonctionnement privé.
  • Pendant un temps, j’utilisais Baseline, un logiciel libre de suivi des émotions et de journaling. C’est vraiment pas le genre d’informations que je veux donner à n’importe qui ! Le créateur est vraiment bien et j’ai même pu discuter pendant 15 minutes avec lui de mes usages.
  • Gestionnaire de mot de passe : j’utilise PasswordStore10 ! Je ne suis absolument pas convaincu par les solutions dans le cloud, que ce soit Apple, Chrome ou 1password et équivalents…

Libre aujourd’hui et demain

Pfiou, quel chemin. J’espère que cet article vous plait. Cette rétrospective me fait me rendre compte d’une chose étonnante : une simple curiosité est devenue un élément assez déterminant de ma vie. Récapitulons :

Nous avons vu la définition d’un logiciel libre, je vous ai raconté comment de plus en plus de logiciels libres sont devenus partie intégrante de ma vie, privée, professionnelle, au point de me permettre de me sentir en sécurité et en intégrité “numérique”.

J’essaye, moi-même, de contribuer à ma façon :

  • En fournissant des petits programmes libres, par exemple pour rendre son enceinte airplay11
  • En créant des petits logiciels, par exemple j’ai créé ma propre appli web Tricount pour le calculer le remboursement12, et ce blog est open source.
  • Je suis donateur de Framasoft, et j’aimerais augmenter mes contributions pour d’autres créateurices.

J’espère avoir obtenu votre enthousiasme pour le libre. Je vous fait à la fin de cet article une liste de logiciels libres que je recommande. Cette liste contient principalement des logiciels qui dépassent un peu la simple utilisation de l’ordinateur. Ils vous apportent presque de la joie, de la sécurité, de la connexion, de la créativité… Peut-être que l’un d’entre-eux correspondra à un de vos usages ?


Footnotes

  1. Le lien de l’événement : https://designersethiques.org/en/les-communs-numeriques-lyon

  2. Définition extraite de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel_libre#D%C3%A9finition

  3. Il fût un temps, et je crois que c’est encore possible, où on pouvait obtenir une distribution Linux gratuitement par CD-ROM en donnant son adresse. Quelle époque…

  4. Si vous ne savez pas de quoi je parle, j’ai fait un talk entier sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=t9hJd_ltoYc. Et oui, je vais réussir à parler de ce job dans tous mes articles…

  5. Je me dis que c’était vraiment nul Windows en y repensant…

  6. Signal en parle mieux que moi : https://signal.org/blog/signal-doesnt-recall/

  7. En 2025, Microsoft a licencié 15 000 employés, principalement dans le jeu vidéo et la branche software. Source: https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/07/02/microsoft-annonce-une-nouvelle-vague-de-milliers-de-licenciements_6617428_3234.html

  8. Pensez aux chiens robots de Sony qui vont forcément mourir quand Sony a laissé tomber de les maintenir.

  9. Une source : https://www.theverge.com/23499215/valve-steam-deck-interview-late-2022

  10. PasswordStore est bien mais pour commencer, utilisez plutôt KeypassXC

  11. Comment rendre n’importe quelle enceinte compatible avec Airplay : https://nirinarabeson.fr/posts/comment-rendre-nimporte-quelle-enceinte-compatible-airplay

  12. Bons comptes bons amis, accessible sur https://bons-comptes-bons-amis.vercel.app/

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